Après la rencontre du bureau national le week-end du 21 mai 2016 à Bordeaux, et notamment sur les conseils de Xavier Hervo et Nicolas Gouvernel, j’ai réalisé à quel point il était important d’apporter, en tant qu’adhérent, sa modeste contribution à l’élaboration de notre programme, sans forcément être un expert du domaine. Ainsi il serait bon que ceux qui participent déjà à une commission thématique se fassent connaître (laquelle ?). Cela permettrait à tous ceux qui sont également intéressés de débattre et de réfléchir ensemble, afin de construire collectivement des fondations théoriques solides.
les enjeux actuels
Les enjeux auxquels nous faisons face aujourd’hui sont à mon sens civilisationnels : comment éviter l’effondrement de notre civilisation par l’aveuglement de ses acteurs ? Le sens de notre histoire a consisté à s’organiser en société pour gagner en efficacité et gérer les ressources communes. Le souci de l’intérêt général, la gestion du bien commun, l’épanouissement de chacun ont motivé nos anciens, commençant par la levée de l’impôt pour financer l’organisation nationale de l’éducation, de la santé, autant que de la défense, puis aboutissant plus récemment à la création de la sécurité sociale, des caisses de retraite, des caisses d’allocation familiale, et tant d’autres avancées sociales. Il est de notre devoir de perpétuer l’effort et de poursuivre dans cette direction en tenant compte de l’évolution des conditions : démographie, productivité agricole et industrielle, pouvoir de communication et capacité d’organisation mondiale…
Malheureusement, d’autres données d’entrée ont fortement marqué ces progrès sociaux : la cupidité des hommes, leur désir de pouvoir et de possession, au détriment de l’autre. Des inégalités qui ont de tout temps été présentes, entretenues par ceux qui étaient les mieux lotis, ou mieux nés. Thomas Piketty a bien documenté cette histoire des inégalités au travers de l’histoire du capitalisme, et pose une question qui doit tous nous interpeller : quel est le degré d’inégalités acceptable, sachant que nous sommes revenus quasiment à une situation au mieux correspondant à la Belle Époque, au pire à celle précédent la Révolution Française, avec une grande partie du Clergé et de la Noblesse qui représentaient 5 % de la population et possédaient la quasi-totalité du patrimoine ?
Un premier enjeu est donc de partager ce constat, bien résumé par le « nous sommes les 99 % », qui est une photo de l’instant, mais aussi de comprendre la dynamique en cours, qui va vers l’accentuation de ces inégalités. Il s’agit alors d’identifier les mécanismes qui permettraient de réduire ces inégalités de revenu et de patrimoine, comme l’impôt progressif proposé par Thomas Piketty.
Un autre enjeu est de constater que nous nous sommes fait confisquer notre richesse, que les marxistes nommeraient notre « force de travail », et que cela continue encore aujourd’hui. La captation des richesses est à l’oeuvre non seulement par le travail salarié, mais aussi par les dividendes versés aux actionnaires, et enfin par le biais de la spéculation boursière ou l’évasion fiscale.
questionner la croissance…
Nous posons trop rarement la question fondamentale du besoin de croissance de notre société, car on ne questionne jamais ce qui est présenté comme une évidence. Or c’est justement un sujet qu’il faut absolument questionner :
- Quelle est la pertinence de l’indicateur PIB (Produit Intérieur Brut), qui ne mesure que les échanges marchands entre personnes ? Quand je tonds ma pelouse ou quand je fais la cuisine, il n’y a pas de richesse créée au sens économique, ce n’est donc pas bon pour la croissance, je serais donc responsable (en partie) du chômage ;
- Que reflète la croissance du PIB, qui est la somme des gains de productivité et de la croissance démographique ? Les USA ont crû principalement par leur croissance démographique, alors que l’Allemagne a crû par les gains de productivité avec une population en décroissance ;
- Une croissance forte peut-elle revenir ? La croissance vécue lors des Trente Glorieuses et donnée en modèle n’est qu’une parenthèse de l’histoire, car elle a notamment été provoquée par la reconstruction des pays détruits par la guerre.
Or la croissance est la pierre angulaire des discours actuels, de tout bord, et c’est à cause de l’absence de contradicteurs que le MEDEF et autres supporters du marché libre et non faussé peuvent imposer leurs vues et leur chantage à l’emploi. Nous pouvons et nous devons déconstruire ces discours péremptoires.
…pour Déconstruire les discours actuels
Le premier, lié au chômage de masse actuel. Être au chômage, notamment sur une longue durée, comporte un risque de désocialisation, néfaste pour une société lorsque cela représente une part non négligeable de la population active. De plus, l’impact budgétaire est également important dans les finances publiques. Alors, nous dit-on, pour réduire le chômage, il faut de l’emploi, pour qu’il y ait de l’emploi, il faut de la compétitivité, et pour être compétitif, il faut baisser les charges aux entreprises.
Le second, lié aux finances de l’État. La dette de l’État se creuse chaque année un peu plus, réduisant ses marges de manoeuvre, et le rendant de plus en plus tributaire de la bourse, depuis qu’il doit emprunter sur les marchés financiers pour équilibrer son budget. Ainsi, pour épurer la dette de l’État, il faut augmenter les rentrées fiscales, pour augmenter les rentrées fiscales, il faut que les échanges marchands augmentent et donc il faut de la croissance. Il faut également faire preuve d’orthodoxie budgétaire, quitte à recourir aux cures d’austérité, pour bénéficier d’une bonne note de la part des agences de notation et faciliter l’emprunt à des taux d’intérêt raisonnables.
Donc il faut innover, il faut créer des emplois, comme une fuite en avant à la poursuite de cette sacro-sainte croissance.
Prendre en compte les gains de productivité
Mais c’est oublier que la tendance de l’histoire est l’amélioration de notre productivité, si bien que nous sommes capables de subvenir à nos besoins avec moins de temps, et donc d’efforts, que par le passé. Cela devrait alors nous permettre de passer moins de temps à produire, et plus de temps à vivre ! Or aujourd’hui, la répartition ne s’est pas faite équitablement, certains ont maintenu ce temps passé à produire, tandis que d’autres ont été mis à l’arrêt. L’idée du partage du temps de travail consiste à répartir équitablement ce temps entre toutes les personnes.
Par ailleurs, par ces gains de productivité, le nombre d’heures de travail global est mécaniquement voué à diminuer, comme cela s’est fait tout au long du XXe siècle. Certes, on peut se persuader que nos besoins évoluent sans cesse, ce qui justifie que les efforts augmentent proportionnellement. Mais n’y a-t-il pas un moment où nous serons saturés d’objets produits, ou pire, où nous aurons épuisé toutes les matières premières qui nous permettaient de les produire, et que donc dans un cas comme dans l’autre, nos besoins auront atteint une limite ? Et avant cela, l’automatisation et la robotisation des tâches remplacent de plus en plus l’humain, réduisant d’autant le temps de travail global. Même les traders sont peu à peu remplacés par des logiciels ! On voit bien qu’il est temps que les hommes et les femmes soient les véritables bénéficiaires de ces progrès, au lieu des quelques actionnaires et rentiers toujours moins nombreux mais toujours plus puissants qui captent aujourd’hui indûment ces richesses, nos richesses.
faire sa part dans les commissions thématiques
Investissons donc les Commissions thématiques de Nouvelle Donne, avec notre expertise mais surtout avec nos convictions. Je compte pour ma part contribuer à plusieurs commissions :
- économie et finance. La lutte contre la captation des richesses par la spéculation boursière, l’évasion fiscale et la création monétaire par les banques privées me paraît fondamentale pour aboutir à une société plus juste et apaisée. Le moyen le plus efficace est de disposer de mécanismes vertueux : séparation des banques de dépôt de celles d’investissement, recourir à l’emprunt national plutôt qu’à l’emprunt sur les marchés financiers, traquer la délinquance fiscale… À ma petite échelle, je participe à un collectif pour la création d’une monnaie locale. Cela nous permet collectivement de nous approprier ces sujets centraux, par l’expérimentation.
- revenu de base et partage du temps de travail. Les formes du « revenu de base/allocation universelle/salaire à vie » peuvent avoir des formes diverses, et méritent de faire l’objet de débat, non tant sur son financement, que sur son rôle et sa place dans la société : simplification de la bureaucratie, par sa nature inconditionnelle, ou couverture des besoins vitaux, ou enfin reconnaissance de la contribution de chacun au fonctionnement de la société…
- inégalités. Il est encore nécessaire de rendre visibles au plus grand nombre l’ampleur des inégalités qui nous entourent, et les mécanismes qui y contribuent, et ce en s’appuyant sur des données incontestables (une sorte de « Piketty pour les nuls »). Transformer le ressenti en données factuelles.
- démocratie, institutions, justice. Le processus de décision est également fondamental, afin de s’assurer que les règles établies assurent la volonté générale et non les intérêts particuliers. On peut s’intéresser aux jurys citoyens tirés au sort, se poser la question de la responsabilité d’éventuels représentants, et à toutes les expériences politiques du passé. Il me paraît indispensable que nous nous approprions ces diverses idées, et qu’au sein de Nouvelle Donne, nous les expérimentions ! Nous aurons du mal à prôner un modèle alternatif de décision, si nous n’avons pas éprouvé son efficacité. On peut même considérer que nous n’avons pas le choix : si nous prônons une nouvelle donne démocratique sans l’appliquer à nous-même, ce sera un talon d’Achille que nos détracteurs se feront un plaisir d’exploiter…
Je ne suis ni économiste, ni sociologue, ni juriste, seulement un scientifique à l’aise avec les chiffres et les concepts, et animé de valeurs profondes. J’aimerais apporter ma contribution en tant qu’autodidacte et non expert.
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Antoine, adhérent Nouvelle Donne Bordeaux-sud