Mercredi 14 septembre 2016 à l’Athénée municipal de Bordeaux, lors de la soirée thématique « Les femmes en politique : avancées et blocages » sont intervenues Marion Paoletti, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Bordeaux chargée de mission à l’égalité entre les femmes et les hommes pour l’université, et Laurie Travert, doctorante en droit.
la parité a-t-elle provoqué un réel changement ?
Avec seulement 5 % des femmes députées dans les années 1990, les femmes sont nettement sous-représentées. La France est le pays qui instaure le vote masculin le plus tôt et le vote féminin le plus tardivement ! Le combat pour la parité va alors permettre une vraie relance du féminisme.
Parmi les adversaires de la parité, figurent Elisabeth et Robert Badinter, qui défendent le principe de l’universalisme républicain, mais aussi les déconstructionnistes radicales et … les machos. Parmi les partisans de la parité, il y a les différentialistes, les paritaristes et les pragmatiques, telle Geneviève Fraisse pour qui la parité est une réforme « vraie en pratique et fausse en théorie », donc nécessaire pour faire changer les mentalités.
Votée en 1999 à 94 % tant le sentiment de crise de la démocratie est fort, une révision constitutionnelle ajoute à l’article 3 de la constitution du 1958 la disposition suivante : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives » et prévoit que les partis doivent « contribuer à la mise en œuvre de ce principe » (art. 4). Le 6 juin 2000, la loi sur la parité en politique module l’aide publique aux partis politiques en fonction de leur respect de l’application de la parité pour la présentation des candidats aux élections.
La thèse différentialiste l’emporte : les femmes feront de la politique « autrement ». Toutefois, force est de constater que si les femmes sont plus présentes dans les petites communes, elles ne sont que 30 % dans l’exécutif et seulement 5 % de présidentes à l’échelon intercommunal ! Pourtant, la parité, en agissant comme un quota, a fait accepter plus concrètement l’idée que les femmes peuvent occuper des mandats aussi bien que les hommes.
Pourquoi n’y a-t-il pas de leadership féminin du pouvoir ?
Certes, dans les discours masculins, on reconnaît aux femmes des qualités indépassables. Pourtant, ce discours élogieux cache parfois un discours réactionnaire selon lequel ces qualités ne seraient justement pas adaptées au pouvoir. Les femmes, en entrant en politique, feraient entrer avec elles la sphère privée dans la sacro-sainte sphère publique, qui perdrait ainsi de son aura, de sa brillance. On leur réserve souvent des domaines où l’on suppose qu’elles pourront mieux mettre en oeuvre ces qualités : l’éducation, l’enfance…
Et en effet, la sphère privée, même après plusieurs lois sur la parité, reste encore majoritairement le lieu des femmes, qui subissent toujours davantage que les hommes les contraintes liées aux enfants, aux personnes âgées et aux travaux ménagers.
Les femmes politiques, sursélectionnées socialement, s’installent plus difficilement, ont plus de mal à construire une carrière sur le long terme. Elles prennent moins souvent la parole, sont plus souvent coupées, leurs propos sont moins écoutés, elles s’autocensurent aussi plus facilement que les hommes. Quelques femmes cependant réussissent à émerger.
De la parité à l’égalité ?
Afin de dépasser la parité et d’aller vers l’égalité, un nouveau pas est franchi le 4 août 2014 avec la loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui vise à combattre les inégalités dans les sphères privée, professionnelle et publique. Cette loi introduit des quotas de femmes dans les conseils d’administration. Mais en 2015, le rapport de situation comparée (obligatoire depuis la loi Roudy de 1983) demandée aux entreprises est « dissous » dans la loi Rebsamen.
On est encore loin de l’égalité : à travail égal les femmes sont moins payées que les hommes (elles doivent travailler 54 jours de plus que les hommes pour avoir le même salaire) ; elles travaillent plus souvent à temps partiel que leurs conjoints. Dans le monde du travail, être une femme peut être une discrimination indirecte, qui peut se cumuler avec d’autres facteurs discriminants comme la religion ou le handicap.
Bibliographie
- Laure Bereni : La bataille pour la parité, mobilisations pour la féminisation du pouvoir, Paris, Économica, coll. « Etudes politiques », 2015, 304 pages.
- Joan W. Scott : Parité ! L’universel et la différence des sexes, Paris, Albin Michel, 2005, 254 pages.
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