Ré-enchanter le travail

la-panneLa panne : repenser le travail et changer la vie, par Christophe DEJOURS et Béatrice BOUNIOL, Bayard, 2012.

Christophe DEJOURS a exploré les liens entre travail et souffrance psychique. Psychiatre et psychanalyste, il a créé une nouvelle discipline : la psycho-dynamique du travail et levé le voile sur les effets délétères de certains modes d’organisation et d’évaluation. Dans ce livre-entretien, avec l’éditrice Béatrice BOUNIOL, Christophe DEJOURS montre que nous sommes pris dans le carcan d’un mode de pensée réducteur, qui ne prend en compte que le quantitatif, le mesurable, identifié à ce qui est objectif.

C’est en 1983 que le gouvernement socialiste s’inspire du modèle japonais et abandonne toute visée autogestionnaire (LIP). La gestion devient la solution pour répondre à la contestation du patronat et à l’inquiétude des voisins européens quant à l’alliance des socialistes et des communistes. La chasse à l’immobilisation gaspilleuse est directement inspirée du modèle japonais du « flux tendu ». A partir de ce moment, ce n’est plus la qualité du travail qui est en jeu mais les succès remportés en termes de gestion, y compris sur le plan des ressources humaines.

Du Taylorisme, nous avons évolué vers une autre forme de domination, plus sournoise, avec la mise en place de l’autocontrôle qui permet de faire peu à peu disparaître les résistances collectives. Depuis l’évaluation individuelle, la neutralisation de toute coopération, la surcharge du travail se payent en défaut de qualité et en baisse de productivité autant qu’en pathologie.

Pour que ce système néolibéral se mette en place et se maintienne, il a fallu l’adhésion des acteurs, ce qui est troublant.

Mais les choses bougent. Des cadres supérieurs commencent à avoir des doutes sur l’éthique de leur poste et l’efficacité du système. Certaines entreprises ont acquis la conviction qu’il fallait changer quelque chose dans l’organisation du travail et expérimenter pour trouver des alternatives. D’autres, « bienveillantes », maintiennent une marge de manœuvre, un dialogue interne, en cohérence avec une tradition sociale.

Christophe DEJOURS parle de « ré-enchanter le travail », lui rendre ce qu’il contient de potentiel de promesse d’émancipation. Au niveau collectif, il s’agit de reconstruire des rapports de respect, d’entraide, de solidarité. L’entreprise qui veut repenser le travail et renouer avec l’enthousiasme ne peut se contenter de cette seule vocation de production et d’échange fondée sur la recherche du profit. Il lui faut également apporter une contribution au bien commun, à la cité, à la culture et la civilisation. En d’autres termes, et contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, participer à une œuvre commune.

Notes de lecture, par Marc Doche