Pourquoi la voix de Nouvelle Donne est essentielle

A côté de tous les problèmes que l’on peut recenser, relations internationales, conflits existants ou potentiels, migrants et réfugiés, Europe, préservation de la planète et lutte contre le changement climatique, difficultés de logement, progression des inégalités, politique industrielle, déficit des finances publiques et des régimes d’assurance et de protection sociales, institutions et démocratie, avenir et pratique de l’agriculture, santé, culture, éducation…. il est un phénomène massif qui marque notre époque, c’est la véritable sécession qui s’opère dans notre (dans nos) société(s) entre ceux qui restent dans le « jeu social » et ceux qui en sont exclus.

Et la marque, la première cause d’exclusion, est bien l’absence de travail.

Parallèlement, l’exclusion entraîne un déficit de contribution financière d’une grosse partie de la population aux comptes publics et sociaux, ce qui contribue aux déficits abyssaux que nous connaissons. D’où la recherche d’économies, et le recentrage des services publics vers les centres urbains où ils peuvent servir plus de monde à moindre coût. Cela entraîne un autre sentiment d’exclusion, pour ceux qui vivent sur des territoires où ils se sentent complètement abandonnés par la République. Avec des effets connexes : par exemple, l’état du réseau routier est en cours de dégradation sévère, mettant  encore plus à distance ceux qui sont loin. Une étude récente a souligné que le niveau du vote en faveur de l’extrême droite était proportionnel à la distance entre lieu de résidence et centre urbain.

Les causes du manque de travail pour lequel une offre solvable existe ne sont pas très compliquées à déterminer d’un point de vue économique. En effet, le simple rappel (rabâchage) de deux chiffres illustre le phénomène : depuis 1950, nous produisons 10 fois plus avec 15 % d’heures de travail en moins. Il faut donc beaucoup moins de temps pour produire plus, nous avons besoin de moins d’heures de travail, et de travail plus complexe, demandant un plus fort niveau d’études. Si l’on conserve à chacun le même temps de travail, mécaniquement, on met sur la touche une fraction de la population qui ne peut alors vivre que d’aides familiales, ou des structures associatives, ou des structures publiques. J’ai été il y a quelques années tiré au sort pour être juré d’assises, j’ai participé à plusieurs procès pour viols : les accusés et les victimes pour la plupart habitaient dans des petites bourgades, et tous, accusés comme victimes, étaient au chômage. Le chômage est la première cause d’exclusion, d’une mise au rebut d’une partie de la population. Il suffit de faire un petit tour sur le site, par exemple, d’ATD Quart Monde pour comprendre de quoi il s’agit.

Et sur le plan politique, qu’en est-il de la détermination des causes du manque de travail ? Depuis les années 1970-80, le jeu des grandes entreprises a été de limiter au maximum la « charge » des salaires (certaines ont eu chaud aux fesses lors de la crise pétrolière, et ont cherché à tout prix à réduire les coûts récurrents) par un double levier : sous-traitance et chômage. Réduire vraiment  le chômage en forçant les entreprises, même à coût nul (en utilisant les fonds aujourd’hui consacrés au chômage), à se réorganiser pour employer plus de personnes sur le même temps de travail global, c’est casser l’un des deux dogmes qui soutiennent la théologie entrepreneuriale d’aujourd’hui (selon laquelle plus de chômage entrainera mécaniquement une hausse des rémunérations). Et cela même si cette réorganisation du mode de fonctionnement de l’entreprise lui apporte plus de sécurité, plus d’efficacité, car pouvant compter sur plus de salariés, avec par exemple des plages horaires de travail plus larges. Toutes choses qui ont déjà été expérimentées sur quelques centaines d’entreprises, de quelques salariés à quelques centaines.

Bref, aujourd’hui, le défi majeur, avant la réforme des institutions, avant les questions internationales et tout ce qui a été cité plus haut, c’est bien la réduction de l’exclusion en s’attaquant au chômage. Si ta maison a besoin de travaux, et que malheureusement elle subit une inondation, l’urgence est de faire baisser le niveau de l’eau avant de commencer à rénover.

Non pas que les autres sujets soient mineurs, mais leur résolution sera toujours entravée par le niveau de chômage persistant qui entraine l’exclusion, ne serait-ce que par les votes d’extrême droite qu’il provoque.

C’est le cœur et la raison d’être de Nouvelle Donne.

Si l’on croit comme Mélenchon qu’il suffira d’une nouvelle constitution et d’une augmentation du SMIC de 15 %, on peut le rejoindre, mais Nouvelle Donne pense que cela nous mènera à la catastrophe.

Si l’on croit comme Hamon-PS qu’il suffit d’enfiler des propositions comme des perles sur un collier, et que l’on verra ensuite – une fois le pouvoir conservé – ce que l’on peut faire, à moins de laisser passer la droite et d’attendre son heure en 2022, on peut le rejoindre, mais Nouvelle Donne pense que cela nous mènera à la catastrophe.

Si l’on croit comme Macron qu’il suffit d’enlever les « entraves » au commerce, généraliser UBER et Amazon, signer tous les traités de libre échange que l’on veut, pour dynamiser l’économie, et repartir sur une croissance virile qui réglera tout, on peut le rejoindre, mais Nouvelle Donne pense que cela nous mènera à la catastrophe.

Si l’on croit comme Fillon la même chose que Macron en un peu plus ringard, on peut le rejoindre, mais Nouvelle Donne pense que cela nous mènera à la catastrophe.

Si l’on croit comme Le Pen que l’on peut tout traiter de « fourmilière » et qu’il suffit d’y donner de grands coups de pied cloutés, on peut (mais on ne le souhaite pas) la rejoindre, mais Nouvelle Donne pense que cela nous mènera à la catastrophe.

Voilà donc : si l’on n’admet pas comme Nouvelle Donne que nous vivons un changement de civilisation dont le moteur est un changement technique sans précédent, notre programme aussi chiadé soit-il n’est qu’une pauvre variante de tout ce qui se fait déjà ailleurs, de façon plus professionnelle. Et Nouvelle Donne n’a strictement aucun intérêt.

Si l’on croit le contraire, Nouvelle Donne est essentiel et fait prendre un coup de vieux aux raisonnements des partis politiques traditionnels, qui donc ont tout intérêt à ce qu’il y ait conflits internes, problèmes financiers, contestation et attaques contre celui qui a apporté le Corpus de départ à la réflexion, et surtout, que notre voix soit inaudible dans les médias, et surtout que nous ne nous présentions à aucune élection (pas assez de militants, pas assez d’argent, pas assez d’espoir de score, ne pas diviser la « gauche », ne pas faire dépasser de tête, et autres excellentes raisons).

Ma position : oui nous sommes faibles, oui les coups reçus nous ont réduits à pas grand-chose, non les médias ne nous écoutent pas, mais tout ce que je peux faire je le ferai, ensuite le résultat ne m’appartient pas, si conjugué au travail des autres cela finit par émerger, nous aurons servi à quelque chose. Si cela n’émerge que plus tard, nous aurons aussi servi à transmettre ce souci que chacun ait sa place. Si cela n’émerge pas, nous retournons vers une société de type esclavagiste, avec une caste qui domine, une caste qui bosse, et une caste dans le ruisseau.

Paul AGIUS