En novembre 2017, Anne Poulain Romanet, adhérente de Nouvelle Donne en Gironde, donne son point de vue sur les événements qui ont enflammé la Catalogne cet automne. Vous trouverez deux autres points de vue ici et ici.
Mais qui sont vraiment les indépendantistes catalans ?
Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un a priori de sympathie à l’égard des indépendantistes catalans, comme une solidarité avec tous ceux qui luttent pour un mieux vivre ensemble, une société plus fraternelle, plus unie et plus juste. Sympathie et solidarité bien sûr, également, avec ceux qui dénoncent l’autoritarisme et l’orientation néolibérale des gouvernements européens.
L’identité catalane est forte et constitue un ciment puissant entre les individus. Le peuple catalan existe. Mais que signifie aujourd’hui « un peuple », à l’intérieur d’une nation moderne, quels sont ses droits et ses devoirs ?
Lorsque les catalans ont été appelés à voter, j’ai pensé que le résultat du vote ne serait en aucun cas opposable, suffisant pour une déclaration d’indépendance. Les conditions d’un vote démocratique n’étaient pas réunies. Il était, pour moi, un vote utile de protestation contre l’autoritarisme du gouvernement espagnol.
En effet, il ne faut pas oublier que le gouvernement espagnol a limité l’autonomie catalane, obtenue après la mort de Franco. Comme le rappelle Diem 25, « la Cour Constitutionnelle espagnole a annulé les politiques décidées par le Parlement Catalan, y compris : le revenu de base garanti, des mesures de réduction de la pauvreté, une taxe sur les déchets nucléaires, une autre sur les boissons sucrées, etc. Plus récemment, Madrid a imposé des restrictions drastiques au droit de la ville de Barcelone à utiliser son excédent budgétaire pour réaliser des projets sociaux et a interdit que des réfugiés soient logés dans des locaux que la ville avait construits à cet effet ».
A la suite de la déclaration d’indépendance du 27 octobre 2017, suspendue le 31 octobre par Madrid, la situation en Catalogne, en Espagne, et donc en Europe, est devenue grave et délicate. Suspension des institutions catalanes autonomes, destitution officielle de 150 personnes de leurs postes administratifs et institutionnels, destitution du président séparatiste Carles Puigdemont, dissolution du parlement régional catalan, emprisonnement de 9 ministres accusés de rébellion à la Constitution, fuite en Belgique de Puigdemont et de 4 conseillers, reprise en main par le gouvernement central, convocations d’élections régionales anticipées le 21 décembre : les événements effarants, souvent violents et disproportionnés semble-t-il, se succèdent.
Pablo Iglesias dit : « J’ai honte que l’on emprisonne des opposants dans mon pays. Nous ne voulons pas l’indépendance de la Catalogne, mais nous disons : liberté aux prisonniers politiques. »
Les élections régionales anticipées du 21 décembre
Comment comprendre les enjeux, aujourd’hui, des élections régionales anticipées par Madrid du 21 décembre ?
Ada Calau, maire de Barcelone déclare que « la relation de la Catalogne et de l’Espagne se résoudra dans les urnes, pas en prison. »
Depuis plus d’un siècle, les indépendantistes catalans sont persuadés qu’ils ont le droit de s’autodéterminer en tant que peuple, nation et république libre, indépendante de l’Espagne. Aujourd’hui, les indépendantistes présentent des profils diversifiés, allant de l’extrême droite à l’extrême gauche ! Certains sont convaincus que seule la création d’une république catalane parviendra à résoudre les problèmes sociaux d’un nombre grandissant de catalans, soumis, comme bon nombre d’Espagnols et d’Européens aux mesures d’austérité prises par les gouvernements néolibéraux. D’autres répondent qu’il s’agit là d’une manœuvre de l’extrême droite qui exploite, sans objectif réel de les résoudre, les problèmes sociaux d’une partie de la population pour dénoncer l’orientation (réelle) néolibérale des gouvernements centraux et pour élargir leur influence. D’autres encore interrogent la solidarité des séparatistes progressistes envers les travailleurs et chômeurs du reste de l’Espagne ?
Le parti Podemos est fragilisé, entre autres, par sa difficulté à se positionner vis-à-vis des nationalismes (catalan et basque).
Et si la solution du problème se situait au sein de l’Union Européenne ?
Pour les indépendantistes catalans, l’adhésion de leur nouvelle république à l’UE ne fait aucun doute. L’UE, elle, ne reconnaît pas l’indépendance de la Catalogne et reste sourde et muette sur la situation. Tant que Madrid ne reconnaîtra pas l’indépendance de la Catalogne, l’UE n’est pas obligée d’intervenir. Si la Catalogne devenait indépendante, elle aurait à demander son adhésion à l’UE. Elle deviendrait un pays tiers et les traités ne s’appliqueraient plus sur son territoire.
« L’Union européenne en tant qu’institution n’est ni pour ni contre les mouvements autonomistes ou indépendantistes, d’ailleurs aucun texte communautaire, à ma connaissance, n’en parle. Elle a plus une vision globale de son périmètre de souveraineté et de ses frontières externes. L’important n’est pas que la péninsule ibérique soit constitué de deux états comme actuellement ou de quatre si la Catalogne et le Pays basque prennent leur envol mais que tous les états qui la composent sont membres de l’UE. Le seul cas où elle pourrait intervenir est celui d’une guerre d’indépendance, après tout l’objectif initial de sa création est bien la paix en Europe et ce serait un bien vilain pied de nez alors qu’elle vient de recevoir le prix Nobel de la Paix. » (Le Taulier sur son site ou Agoravox – 2012).
Quelle est la position des progressistes pro-européens ?
Diem 25, par exemple, pense qu’il n’est pas possible d’interdire aux citoyens d’une région européenne d’aspirer à l’indépendance, mais que cette région ne peut se désolidariser des autres régions, y compris de son ancien pays de rattachement, qu’elle ne peut empêcher la libre circulation, qu’elle doit s’engager à « éliminer les déséquilibres économiques, financiers et sociaux, tout en investissant dans un avenir vert ».
« Le fait que l’UE ne soit pas parvenue, en raison de son choix d’un néo-libéralisme punitif, à veiller au respect de toutes les conditions nécessaires à une Union Européenne démocratique ne justifie en rien que les progressistes pro-européens abandonnent le combat. Ne serait-il pas formidable que la crise de la Catalogne, et la nécessité absolue de la traiter via un cadre politique approprié, pousse les démocrates européens à reconfigurer l’UE en Union Européenne démocratique ? Au sein de DiEM25, nous y croyons ! »
Les régions, dont la Catalogne, font partie du comité des régions et travaillent avec le Parlement européen et la Commission. Elles sont très actives, souvent plus réactives que les États (exemple : sur la question des migrants et des réfugiés), ce qui fait dire à certains députés européens progressistes que l’Europe doit pouvoir intégrer les régions et les États dans le processus de décision.
À moins que la solution ne soit dans une évolution constitutionnelle de l’Espagne ?
« Reste la question du pouvoir central espagnol. Quel avenir pour une monarchie désuète, héritière du franquisme ? Le Roi, à une époque, a sauvé la démocratie, mais depuis l’institution royale a été dévalorisée par toutes sortes de magouilles et n’est plus le ferment de l’unité du pays. Il serait peut-être temps, pour les Espagnols, de poser clairement la question de l’abdication du Roi et de l’instauration d’une République fédérale, respectueuse de tous les peuples espagnols. » Blog de Victor Ayoli
« Il y a un espace politique où l’on peut revendiquer, non pas l’indépendance, mais des souverainetés, sur des sujets très concrets, qui touchent la vie des gens. » Inigo Urkullu, chef du gouvernement basque, dans le Gardian, 24 octobre
L’Espagne est un Etat régionalisé (constitution 1978) : l’idée serait de s’orienter vers un Etat plurinational, basé sur l’idée de « souveraineté partagée ».
La prochaine échéance politique en Catalogne, en Espagne, est le 21 décembre.
Mais je pense que la question des régions, de l’autonomie – au premier rang de laquelle se situe l’autonomie fiscale – de l’indépendance, des États plurinationaux, des souverainetés partagées sont des questions politiques auxquelles l’Europe démocratique en construction devra s’ouvrir.
La question des solidarités au sein de l’Europe doit également être beaucoup plus réfléchie et organisée : je n’oublie ni la Grèce ni les réfugiés !
Anne Poulain Romanet