La sortie des USA de l’accord de Vienne : une bombe économique et politique
La sortie des USA de l’accord international portant sur l’engagement de l’Iran à ne pas chercher à se doter de l’arme nucléaire nous concerne tous, citoyens du monde, citoyens européens, citoyens français. Elle révèle, entre autres, les failles de l’unité politique de l’Europe, l’emprise des USA sur l’économie mondiale et l’extrême fragilité de la paix dans le monde.
Le 8 mai 2018, Trump déclare, comme annoncé lors de sa campagne électorale, que les USA se retirent de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien et qu’il rétablira dans les trois à six mois les sanctions économiques les plus dures vis-à-vis de ce pays. L’accord avait pourtant nécessité quinze ans de négociation avant d’être signé, en 2015, pour dix ans, par les cinq membres permanents du conseil de sécurité des Nations Unies (USA, France, Chine, Russie, Grande Bretagne) et par l’Allemagne.
L’accord a ses soutiens, mais aussi ses détracteurs comme Trump et ses amis, dont les faucons Pompeo et Bolton à qui il a confié les postes les plus élevés de l’État fédéral. Trump l’a dit et redit : cet accord est « pourri », « beaucoup trop favorable aux Iraniens » et « n’empêche pas qu’ils se dotent de l’arme nucléaire ». Outre son idée fixe, sa réélection de mi-mandat en novembre, il a également celle de provoquer un changement de régime en Iran, sans doute au nom de la démocratie… Il se dit prêt à signer un autre accord, mais à ses propres conditions.
Pourtant l’ Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) a validé les engagements iraniens en 2017. Elle a réalisé, conformément à un protocole additionnel à l’accord ratifié par l’Iran, des « inspections intrusives » qui ont fait l’objet de conclusions positives.
Les autres signataires de l’accord veulent le maintenir malgré tout, afin d’éviter un
démantèlement complet des engagements iraniens et une reprise de leur programme d’enrichissement d’uranium à des fins militaires, voire un embrasement dans le Proche-Orient. Il ne faut bien entendu pas non plus sous-estimer les enjeux économiques liés au maintien de cet accord. Les besoins de l’Iran, privé d’investissements pendant la longue période de sanctions, sont d’autant plus immenses, et sont une opportunité économique pour les puissances internationales, dont les signataires de l’accord ! L’Iran possède également des ressources considérables : il possède le 2e plus grand gisement de gaz du monde et il est le 4e exportateur de pétrole, principalement vers l’Europe.
Le président Hassan Rohani dit vouloir rester dans l’accord actuel et dialogue en ce sens avec les autres signataires de l’accord. Depuis la signature de cet accord, le peuple iranien, et plus exactement les classes moyennes, commençaient à bénéficier d’une vie quotidienne plus facile. Les 80 millions d’Iraniens n’ont pas tous, loin de là, l’idée fixe de détruire Israël ! Beaucoup d’entre eux sont déjà opposés aux dépenses trop importantes de l’Iran pour soutenir la Syrie, les Houthis du Yémen, le Hezbollah au Liban. Les Iraniens considèrent que l’Iran n’a pas les moyens d’un conflit ouvert et n’en veulent pas. Ils veulent vivre libres dans leur pays chargé d’histoire et de culture, et de promesses pour un avenir meilleur.
Mais les décisions des USA, maîtres du dollar, qui est à la fois leur monnaie nationale et la monnaie d’échange internationale, s’imposent en fait à tous les pays car ils ont (par abus de pouvoir) édicté une règle d’extra-territorialité des lois américaines. Cette règle permet d’infliger des sanctions aux entreprises étrangères travaillant avec des pays sous embargo, si elles commercent également avec les États-Unis ou utilisent le dollar dans leurs opérations financières. On se souvient que la banque BNP-Paribas a ainsi été condamnée à payer 8,9 milliards de dollars pour n’avoir pas respecté les sanctions contre l’Iran et d’autres pays.
Cette décision unilatérale des USA pose plusieurs questions cruciales, dont celle de la souveraineté de l’Europe, celle du leadership politique en Europe et celle de la paix dans le monde. Quels sont les moyens de protection des Européens ? Faire appel à l’OMC ? Pas très crédible ! L’ Europe doit s’interroger sur sa politique monétaire et sur la force de l’euro (que certains de ses fondateurs voyaient comme un remplaçant potentiel du dollar), faire appel aux banques centrales qui sont les seules à ne pas pouvoir être poursuivies par les tribunaux américains, créer des contre-sanctions contre les entreprises américaines… Pour certains, ce moment peut être un moment fondateur. L’ Europe, avec si possible bien sûr, la Chine et la Russie, doit dire à Trump qu’il ne peut pas prendre des décisions de cette nature « comme ça lui chante ».
La question du leadership au sein de l’Europe se pose également.
La France, l’Allemagne et la Grande Bretagne apparaissent unies contre la décision de Trump. Mais est-ce suffisant ? L’ Union Européenne parlera-t-elle d’une seule voix pour s’opposer à cette décision ? Et si tel n’est pas le cas, l’Europe sera-t-elle entendue et respectée ? Sur le plan de la sécurité internationale, la décision américaine ne doit pas être l’allumette qui fait tout s’embraser. On le sait, le Proche-Orient est instable, la paix y est précaire. On entend dire que l’empire perse se reconstitue : l’Iran est certes très fort dans cette partie du monde (Irak, Syrie, Liban, Yémen..).
Il ne faut pas minimiser le poids des opposants à l’accord de Vienne dans certains cercles du pouvoir en Iran. Il est évident que si les sanctions économiques sont fortes, les risques de dégradations intérieures le seront aussi. Déjà, l’Arabie Saoudite avertit : si l’Iran reprend ses recherches pour obtenir l’arme nucléaire, elle aussi s’y mettra. Israël est le seul État du Proche-Orient à posséder l’arme atomique, sans d’ailleurs ni le reconnaître ni s’ être engagé dans le traité de non prolifération. Sa politique militaire agressive actuelle envers les Palestiniens n’est pas non plus des plus rassurantes.
Nouvelle Donne promeut une nouvelle vision des relations internationales :
« …Nouvelle Donne émet des propositions concernant les principaux conflits : Au Moyen-Orient (Syrie, Irak, Libye, Yémen etc.), il s’agit de remettre la paix à l’ordre du jour, aussi difficile que cela puisse paraître. Pas une victoire éphémère mais une paix durable, équitable, de courage et d’intransigeance. La paix pour tous ceux qui y ont intérêt, des deux côtés de cette mer commune afin de construire ensemble le langage d’un nouvel universalisme.
Nos propositions visent aussi à lutter contre le terrorisme international par une stratégie globale qui n’hésite pas à interroger nos alliances et actions passées.
Le conflit israélo-palestinien démontre chaque jour davantage l’urgence d’agir afin d’éviter que 2017 marque un triste anniversaire après 70 ans d’immobilisme et d’impunité. Nous dénonçons clairement la politique actuelle de la France au Proche-Orient qui s’est éloignée de l’équilibre traditionnel pour soutenir un gouvernement israélien dont la politique extrémiste et expansionniste dénie tout droit aux Palestiniens ; nous proposons notamment une initiative internationale visant à mettre en lumière les dividendes de la paix pour les peuples israélien et palestinien et contraindre leurs gouvernements à aboutir à un accord dans un cadre précis et un calendrier contraint afin de régler l’ensemble des problèmes.
Une réforme du système de l’ONU s’avère indispensable afin de rendre plus efficace son rôle dans un monde totalement transformé par la mondialisation, les mobilités, les rapports de force. Le droit international humanitaire doit également retrouver une pleine application, adaptée à l’évolution des conflits actuels.
La diplomatie et les relations internationales devront être revisitées à partir d’une analyse précise des rôles des différents acteurs dans leur environnement proche et au-delà (Russie, Etats-Unis, Chine, pays dits émergents, Turquie, Arabie Saoudite, Iran, etc., ainsi que les organisations internationales et régionales).
Il convient aussi de réfléchir aux exportations d’armes, au désarmement nucléaire et conventionnel et au rôle de l’Otan…»
De plus, « dans un monde de plus en plus dangereux et instable, il est urgent de doter l’Europe d’une vraie diplomatie et d’une force armée. En quelques années, nous voulons créer progressivement un outil de défense européen pour la protection de nos intérêts vitaux et pour le maintien de la Paix. Il sera doté d’un budget représentant 2 % du PIB de l’Union.
Cette force armée sera mise à disposition de l’ONU pour que ses résolutions ne restent pas lettre morte… ». [extraits du programme de Nouvelle Donne]
Conclusion : il faut se battre pour la paix en sauvant l’accord nucléaire et en mettant en place une nouvelle donne pour Europe.
Les USA peuvent sortir de l’accord s’ils le veulent, mais ils ne doivent pas pouvoir entraîner le reste du monde dans leur sillage contre leur avis. Les puissances internationales, dont l’Europe, doivent créer un rapport de force et trouver les outils nécessaires au maintien de l’accord et à la protection de leurs économies. Une partie de la réponse se situe dans la place que va prendre l’Europe, première puissance économique mondiale, dans cette nouvelle gouvernance mondiale.
Il est temps que l’Europe devienne une puissance politique, diplomatique, économique indépendante et forte, avec et pour ses citoyens et les citoyens du monde qui feront appel à elle.
Anne, avec la contribution d’Abdel et de Julie